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Un dîner dans le noir avec les aveugles et malvoyants de l'association Valentin-Haüy.

20 Mai 2012

Au siège de l’association, les membres d’AVH ont fait partager leurs difficultés, avec humour et bonne humeur. Aveugle, François Laspéras (debout), vient de servir l’apéritif, aux côtés de Brigitte, malvoyante. On va bientôt éteindre et se retrouver plongé dans le noir?

repas dans le noir

Au siège de l’association, les membres d’AVH ont fait partager leurs difficultés, avec humour et bonne humeur. Aveugle, François Laspéras (debout), vient de servir l’apéritif, aux côtés de Brigitte, malvoyante. On va bientôt éteindre et se retrouver plongé dans le noir?photo stéphane lefèvre

Les gestes simples deviennent vite compliqués quand vous ne voyez rien. Nous l’avons expérimenté, dans la bonne humeur.Oubliez ce que vous croyez savoir sur le monde des aveugles et malvoyants. Rien de tel pour appréhender les difficultés de ces handicapés qu'un dîner dans le noir. C'est ce que nous a proposé l'antenne limougeaude de l'association Valentin-Haüy, mercredi. Handicapés, mais pas geignards pour deux sous !Les bénévoles de l'association qui nous ont conviés sont en effet de joyeux drilles, prompts à manier un humour percutant. Entre eux, ils s'appellent d'ailleurs volontiers "miro" et "bigleux". L'un heurte volontairement un autre et s'excuse : « oh pardon, je ne t'avais pas vu ». Ou alors, « fais gaffe, je t'ai à l'œil ».Huit personnes autour de la table, six voyants (c'est comme ça que les malvoyants les appellent), deux malvoyants, servis par une malvoyante et un aveugle. Ce dernier s'appelle François Laspéras, a 72 ans, et il a perdu la vue voici vingt ans. Personnage haut en couleurs, il est responsable de l'atelier cuisine à l'association. Car ce sont des aveugles et malvoyants qui ont préparé le dîner (voir ci-dessous). .Les gambas sont remarquables, les pompiers ne sont pas intervenus.Lumières éteintes et masque sur les yeux (comme ça, on ne triche pas), on peut passer aux choses sérieuses.Après un apéritif pris sans problème, les choses se compliquent très vite. L'entrée : un avocat garni de purée de sardine et radis noir. Ce qu'on ne nous dit pas, histoire de nous laisser deviner. C'est délicieux, mais on met bien plus de temps à manger que d'habitude !Deux "voyants", dont votre serviteur, se ridiculisent d'entrée en confessant avoir tout mangé… dont la peau de l'avocat ! Ils s'étaient bien demandé quel était ce goût un peu bizarre, mais bon, ils n'avaient rien dit, un peu intimidés peut-être.Suivent des cris d'horreur : François Laspéras annonce qu'il va faire flamber le plat suivant ! « J'ai l'habitude », rassure-t-il. Les faits lui donnent raison : ses gambas sauce piquante sont remarquables et les pompiers ne sont pas intervenus. Pour se servir, nous avons mis les doigts, c'est plus simple. Parcours du combattant.Pour le plat suivant, un bœuf bourguignon et ses pâtes, il y a comme un petit problème : plusieurs voyants peinent à se servir avec les ustensiles. Ce pauvre journaliste essaie, tâtonne, rate son coup, et préfère jouer cartes sur table : « désolé, mais j'ai un double handicap : ce noir complet, et mes trois mains gauches tellement je suis malhabile. Au secours ! ». Brigitte, âme charitable et malvoyante, vient à son secours et le sert vite fait bien fait. C'est très bon, et les vins sont au diapason. Se servir de fromage relève du parcours du combattant pour certains (j'ai fait l'impasse). Le dessert est plus commode : un gâteau au chocolat pouvant se manger à la main.Quand la lumière est rallumée et que nous enlevons nos masques, nous, voyants, comprenons un tout petit peu mieux (mais seulement un petit peu) combien cette vie sans vue est difficile. Et pourtant, elle n'empêche pas d'avoir la pêche, comme les membres de l'association. Chapeau et merci !

Laurent Bonilla